L'Homme qui te ressemble
J’ai frappé à ta porte
J’ai frappé à ton coeur
Pour avoir un bon lit
Pour avoir un bon feu
Pourquoi me repousser ?
Ouvre-moi mon frère !...
Pourquoi me demander
Si je suis d’Afrique
Si je suis d’Amérique
Si je suis d’Asie
Si je suis d’Europe ?
Ouvre-moi mon frère !...
Pourquoi me demander
La longueur de mon nez
L’épaisseur de ma bouche
La couleur de ma peau
Et le nom de mes Dieux ?
Ouvre-moi mon frère !...
Je ne suis pas un noir
Je ne suis pas un rouge
Je ne suis pas un jaune
Je ne suis pas un blanc
Mais je ne suis qu’un homme
Ouvre-moi mon frère !...
Ouvre-moi la porte
Ouvre-moi ton coeur
Car je suis un homme
L’homme de tous les temps
L’homme de tous les cieux
L’homme qui te ressemble
René Philombé
Sublime Différence
Avec Sublime Différence, son premier solo show, Richmond Tehé questionne les distinctions perçues comme des obstacles, des lignes de fracture entre les individus. Plutôt que de les considérer comme des barrières, l’artiste nous invite à voir dans la différence une force et une beauté qui transcendent l’apparence. La différence n’est-elle pas ce qui nous relie, ce qui révèle notre humanité commune ? Elle va bien au-delà des frontières visibles, se présentant comme une facette du sublime, une variation qui enrichit l’existence plutôt qu’elle ne la divise.
Le travail de Richmond Tehé repose sur une identité visuelle forte, au sein duquel le trait s'impose comme le principal vecteur d'expression. Il ne dissimule pas ses lignes, au contraire, il les révèle, construisant des portraits intenses, à la fois fragmentés et profondément humains. Chaque tracé, chaque hachure dynamique, génère une tension palpable entre ordre et chaos, entre contrôle et spontanéité. Ces jeux de lignes ne sont pas seulement des gestes esthétiques, mais des rais de lumière révélant la beauté, des émotions vivantes, des vibrations humaines qui traversent chaque œuvre.
À travers Sublime Différence, Richmond Tehé nous invite à poser un regard sur la communauté albinos de Côte d'Ivoire, une population souvent marginalisée, réduite au silence ou à la dissimulation face aux superstitions et aux stigmates. Cette communauté, et plus largement toutes celles qui se trouvent à l'écart de ce que l’on considère comme la norme, est au cœur de son exploration artistique. En les mettant en lumière, il leur offre une place dans le visible, tout en questionnant les murs invisibles que l’on érige entre nous.
Ces représentations sont profondément marquées par un jeu subtil de formes et de textures. Les figures, enfermées entre des barres de fer, de bois ou du grillage, créent une distanciation entre le personnage et le spectateur, tout en agissant comme des murs de protection. L’artiste épure le portrait, ne conservant que les traits essentiels du visage, mais ces regards demeurent perçants, remplis de doute et d'introspection. Ces lignes fragiles matérialisent la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, posant la question de ce qui nous retient et de ce qui, au contraire, nous libère.
Les tonalités pastel choisies pour représenter les albinos, en contraste avec l’explosion chromatique habituellement présente dans l’œuvre de Richmond Tehé, permettent de créer une atmosphère particulière, une sensation de fragilité et d'intensité. Cependant, cette différence de couleur ne prive en rien l’œuvre de son universalité. Doute, fierté, courage, mélancolie… autant de sentiments qui traversent ses portraits, et qui résonnent avec le poème de René Philombe : "L'Homme qui te ressemble"
À travers Sublime Différence, Richmond Tehé ne se contente pas de confronter des différences, il les unit. Son travail nous pousse à revoir la perception que nous avons de l’autre et à voir au-delà des apparences. Il nous rappelle que, loin d’isoler, nos singularités enrichissent. En effet, la différence n’est pas une frontière, elle devient un langage commun, un pont tendu vers l’autre, une invitation à comprendre et à célébrer l’altérité.