« Toutes les cultures peuvent se mélanger sans limite » - Alfred Louis Kroeber
LouiSimone Guirandou Gallery a le plaisir de présenter “Brassage“ du 5 mai au 18 juin 2022, le Premier soloshow de l’artiste Ange-Arthur Koua en Côte d’Ivoire.
Fasciné par son pouvoir de faire renaitre ce qui était délaissé, Ange-Arthur Koua assemble dans des tentures les pièces textiles récupérées, empreintes de ceux qui les ont portées. Non-conformiste enragé, il rejette les académismes imposés et se frotte aux limites du politiquement acceptable, en chahutant les principes du beau et des canons de la monstration des œuvres, car « on ne peut se cacher derrière un formalisme creux s’il n’est porteur de sens ».
L’exposition Brassage se fonde sur le fait anthropologique que toute civilisation est le fruit de multiples apports dans un temps long de sédimentation, pour former un socle culturel à transmettre aux descendances. Selon l’anthropologue Alfred Louis Kroeber « toutes les cultures peuvent se mélanger sans limite ». Les migrations humaines qui ont abouti au peuplement de la terre à partir de l’Afrique ont donc conduit à la genèse de civilisations syncrétistes dans leur essence. Sur le continent Africain, les peuples se sont fixés sur des territoires tout en poursuivant leurs échanges entre voisins mais également à l’échelle continentale.
Les échanges modernes avec les Européens se feront d’abord sur une base marchande sur les plages, puis dans les comptoirs commerciaux, avant de prendre une forme violemment imposée. Les apports extérieurs sont intégrés dans les cultures côtières et revêtent d’abord la valeur de leur rareté : tissus confectionnés pour ce marché, miroirs et perles de traite, vaisselle en métal émaillé, graines et plantes. Ces éléments précieux seront intégrés dans la production des arts rituels mais aussi dans les profondes modifications des régimes alimentaires ordinaires.
A partir de ces constats, Ange-Arthur Koua reprend le motif de la vague, emblématique de ce brassage fondamental à la naissance et au devenir des civilisations, flux et reflux pour créer de nouveaux sens et usages. Allers et retours également : ainsi les cultes voduns survivent outre-Atlantique et que dire des apports dans la musique ? La vaguedes échanges ne cesse son mouvement, jamais identique. La vague porte ainsi les éléments rapportés, échangés, comme une partition musicale, polyphonique et infinie.
Ange-Arthur s’élève contre la trop fréquente inaptitude intellectuelle à sortir des représentations hiérarchiques entre les peuples. Inversement, les multiples affirmations Afrocentristes s’acagnardent dans leurs certitudes identitaires et l’artiste s’amuse, tel un sphynx incompris, de cette mode de prêt-à-penser : aucune tradition ne se suffit, les échanges entre les peuples sont à la base du processus civilisationnel. L’Afrique n’a pas été inventée, elle s’est faite par elle-même dans la complexité de ces échanges.
Au travers de la figure des Komians, prêtresses traditionnelles Akan aux pouvoirs mystiques, Ange-Arthur s’est intéressé à leurs tenues qui symbolisent ces échanges anciens. Reprenant ce mouvement et dans une expression syncrétiste comparable aux démarches artistiques Caribéennes et Sud-Américaines, il développe de nouvelles formes qui seraient les expressions de nouvelles traditions. Comme un hommage à Valentin-Yves Mudimbe, l’artiste propose une nouvelle histoire fantasmée, une ode humaniste « entre les eaux », une expression toujours renouvelée qui nous rassemble.
Amédé Régis Mulin
Commissaire de l’exposition