"O, Wonder! How many goodly creatures are there here!
How beauteous mankind is!
O brave New World ! "
(William Shakespeare)
Dans une période déjà inquiète, il y a quatre-vingt-dix ans, paraissait "Brave New World" d’Aldous Huxley, fiction dystopique nous alertant de la domination progressive de doctrines autoritaires, normées et lisses, basées sur le vecteur industrialisation/consommation et impliquant l’affranchissement de la Nature et son pillage systémique. Malgré de si nombreuses alertes, notre monde semble obtus, malmené par les intérêts et les desseins d’un système devenu suicidaire ; les évolutions actuelles du monde peuvent hélas être perçues comme allant dangereusement vers l’univers, certes caricatural, décrit dans cette fiction. Ici ou ailleurs, plus encore en cette période trouble de pandémie, nos sociétés subissent une forme de diktat sanitaire et les errances d’une "science sans conscience", la restriction des libertés et des déplacements, et paraissent être manipulées voire conditionnées par les (des ?) médias partiaux et les trusts multinationaux… Huxley s’amuserait sans doute à comparer son conditionnement Hypnopédique et l’usage du soma à l’addiction aux réseaux sociaux et autres supports numériques à des fins consuméristes et d’émoussement de toute réflexion critique !
Les différentes crises politico-sociales qui secouent régulièrement notre région peuvent également ? être analysées sous le prisme du roman : antagonismes entre imposition d’un ordre mondial prétendument civilisé et résistance sociale et humaniste de la jungle, perceptibles dans le déroulé historique des trente dernières années au Mali. Ainsi dans l’exposition Brave New World, quatre jeunes artistes de Bamako viennent narrer une lecture de leur monde en proie à ces luttes et nous proposer avec poésie leur vision d’un développement optimiste. Ange Dakouo entend nous protéger avec ces gris-gris tissés et nous alerter sur les dérives actuelles de nos sociétés dans l’optique positive d’un envol prochain et global. Dramane Bamana nous convie dans des fresques sociales et ironiquement candides. Dramane Diarra s’amuse à décrypter avec onirisme les différentes formes de conditionnement dont nous sommes victimes. Lass nous emmène dans la jungle, espace naturel protégé où les sociétés humaines évoluent avec humanisme en harmonie avec la nature et dans une forme de rédemption solidaire.
Nos quatre artistes nous présentent ce que le Monde pourrait être si nous prêtions davantage attention à nos comportements ordinaires, au sens du partage et au respect de notre Terre mère. Ils nous offrent les alternatives à toute dichotomie simpliste, à l’image des îles du roman d’Huxley qui synthétisent le meilleur des deux mondes ! Ainsi convaincus, la refonte de notre monde essoufflé et selon des fondements humanistes et respectueux de la Planète nous fera bientôt chanter, tels Miranda dans "La Tempête" de William Shakespeare :
"O, Wonder!
How many goodly creatures are there here!
How beauteous mankind is! O brave New World !"»
Amédé Régis Mulin